TRIBUNE (censurée) :
« L’Académie française brûle-t-elle ? »

En réponse à Jean d’Ormesson ( Le Figaro Magazine du 26 février 2016 [1] )

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TRIBUNE CENSURÉE :
« L’Académie Française
brûle-t-elle ? »

Qui t’a fait académicien ? À la veille de l’élection du 3 mars, quai de Conti, c’est le branle-bas de combat, l’heure du choix décisif de survie pour l’orientation future de l’Institution symbole de la langue française. Et Jean d’Ormesson, figure médiatique de proue de l’Académie se fait fort de fixer le nouveau cap du critère d’éligibilité : « Pendant longtemps, il y avait deux catégories de personnes qui ne pouvaient pas postuler à l’Académie : les femmes et les comédiens. J’ai fait entrer la première femme, Marguerite Yourcenar, il y a trente-cinq ans. » Hier, il affirmait qu’ « Il serait normal que l’islam soit représenté à l’Académie française [2] », aujourd’hui, il confie au Figaro : « Je rêverais de faire entrer le premier comédien : toi Fabrice [Lucini] ! »

Mais à l’heure du naufrage, quand la maison est en flammes, alors que, né de la réforme de l’orthographe, le divorce entre l’Académie et les Français vient de mettre le feu aux poudres, est il sérieux de penser que le sexe, la religion ou la profession de comédien, soient en soi les « talents » à la hauteur du défi pour assurer la survie de l’Académie et de la langue française en péril de mort ?

En prétendant fixer le cap, Jean d’Ormesson est-il conscient du fait que pour la première fois de son histoire, par « la violence des attaques qu’[elle] a subie après l’annonce de la réforme de l’orthographe [3]» — rejetée par 80% des Français ! — l’Académie Française s’est vue remise en cause dans l’essence même de sa légitimité : la fixation, la définition et la défense de la langue française.

Peut-il ignorer que, quand l’étincelle ravageuse est partie d’un petit rien, mais hautement symbolique —  la survie de l’accent circonflexe —, le feu couvait sous la braise depuis des décennies, donnant des signes que nul ne voulait voir ! Aurait-il oublié la déclaration dramatique de l’Académie, du 6 avril 2000 dénonçant « la politique d’amoindrissement des filières littéraires, depuis plus de deux décennies, sur le point de parvenir à éliminer presque complètement de notre enseignement la connaissance et le goût de la littérature ». À tel point que la littérature et la langue, avec leurs exercices « semblent devenues les ennemis à détruire » ! Oublié sa déclaration du 21 mars 2002 sur « le rôle des genres grammaticaux en français » et une « féminisation » irréfléchie conduisant à « une ségrégation qui va à l’encontre du but recherché ». Oublié ce projet poursuivi « dans le plus grand secret de partager l’enseignement de notre langue en deux parties », l’extinction du grec et du latin, etc.

N’a-t-il pas été stupéfait devant la non réponse du protecteur de l’Académie, le Président de la République, à l’appel solennel du Secrétaire Perpétuel de l’Académie lui demandant, le 5 décembre 2013, de faire de 2014 l’année de la reconquête de la langue française : bouleversé par cette rupture symbolique de l’axe politique et de l’axe sémantique ?

Maurice SCHUMANN
Maurice SCHUMANN. Élu à l’Académie Française, le 7 mars 1974, au fauteuil de Wladimir d’Ormesson (13e fauteuil) et reçu le 30 janvier 1975 par le duc de Castries.

Quand la maison est en feu, c’est de pompiers qu’elle a besoin ! Ce n’est ni aux accumulations de prix littéraires « marketing », ni aux corporatismes, ni à la course aux honneurs que l’Institution doit désormais faire appel : c’est à des combattants du feu, avant que le bâtiment ne soit réduit en cendre. Il est grand temps de répondre enfin à l’appel dramatique que Maurice Schumann avait solennellement lancé aux Immortels le 30 janvier 1975, il y a juste quarante ans :

« Le temps n’est plus où l’Académie Française régnait sur un héritage. L’attrait du français est intact, son rayonnement et son cheminement sont contrariés. Il nous faut maintenant forger pour la défense et l’illustration de la langue les armes d’une vraie reconquête. »

C’est ce symbole martial qui s’affirme lorsque Maurice Schumann remet à Maurice Druon son épée traitée avec la sobriété caractérisant les sabres des cavaliers de l’École de Saumur, c’est toujours ce symbole qui s’impose sur le pommeau de l’épée d’Hélène Carrère d’Encausse — Saint Georges terrassant le dragon — pour faire triompher son appel à la Reconquête de la langue française.

Hans Von Aachen, St Georges et le dragon

Aujourd’hui, la langue française n’a plus besoin de paroles d’amour mais de preuves d’amour, plus besoin d’héritiers mais du choix de « guerriers » capables de forger « les armes d’une vraie reconquête »  pour éteindre l’incendie ! Tel le critère martial du « choix de Richelieu », homme d’esprit, de lettres et de guerre, qui doit désormais s’imposer à l’Académie Française pour assurer sa survie et sa propre éligibilité « À l’immortalité » !

 

Arnaud-Aaron Upinsky

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[1] « Comment on devient Fabrice Luchini » : http://www.lefigaro.fr/livres/2016/02/26/03005-20160226ARTFIG00126-comment-on-devient-fabrice-luchini.php

[2] Public Sénat, 28 janvier 2016

[3] Hélène Carrère d’Encausse : « L’Académie s’oppose à toute réforme de l’orthographe », Le Figaro, 13 février 2016 : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/02/12/01016-20160212ARTFIG00297-helene-carrere-d-encausse-l-academie-s-oppose-a-toute-reforme-de-l-orthographe.php

 

 

Un dilemme pour les Immortels : le choix de Mitterrand ( A. Makine ) ou celui de Richelieu ( Un authentique défenseur de la langue française) ?

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TRIBUNE « Un dilemme pour les Immortels : le choix de Mitterrand (A. Makine) ou celui de Richelieu (un authentique défenseur de la langue française) ? »

 

Arnaud-Aaron Upinsky, le 12/02/2016 à 12h41

 

L’écrivain Arnaud-Aaron Upinsky s’inquiète de la tournure des débats en vue de la prochaine élection du 3 mars à l’Académie Française. En pleine réforme de l’orthographe, celle-ci doit fait le choix d’un défenseur de la langue française.

 

« Les académiciens sont inquiets ! » disent-ils tous. Après trois ans de tempête sur la langue française et sur l’Académie, avec le retrait forcé de la candidature de Frédéric Mitterrand, que l’AFP avait jusque-là présenté comme pré-élu, la prochaine élection du 3 mars s’annonce déjà comme le coup de tonnerre d’entrée dans une nouvelle ère pour l’Institution : la fin d’un monde jusque là préservé des outrages et de la violence des temps nouveaux par des rites immuables qui viennent de voler en éclat le 4 février dernier, lors de l’émission BFMTV du soir de Nathalie Levy.

Frédéric Mitterrand retire sa candidature à l'Académie Française

Inconscience, calcul politicien, pure philanthropie, esprit de vengeance ? Que s’est-il passé ce jour-là dans la tête du candidat fétiche – par comble d’ironie disant même : « j’ai agi comme en académicien ! » – pour violer à ce point toutes les règles de la bienséance et tourner en dérision la future élection en lui ôtant toute raison d’être. Pensez-vous ! Après avoir fait l’éloge d’Andreï Makine en déclarant lui céder sa place de bon cœur, l’ancien ministre de la culture a justifié son geste de générosité en disant retirer sa candidature pour ne pas lui nuire. « Il y a un candidat qui s’est présenté pour qui j’ai énormément d’estime. J’apprécie beaucoup son œuvre. Je ne veux pas être un embarras pour son éventuelle élection ». Mais « in cauda venenum » (dans la queue le venin), au lieu de s’en tenir là, notre bon samaritain a hélas ajouté : « Il est plus fragile que moi sur le plan émotionnel, s’il est battu, il ne se représenterait pas. Je peux me représenter plein de fois, ce n’est pas un problème. Mais lui s’il est battu, il ne va pas se représenter. »

« Fragile au plan émotionnel »

Pourtant n’est-ce pas à Nicolaï et aux Immortels d’en décider ? Alors chacun conviendra que ce n’était pas le meilleur service à rendre au futur élu de son cœur que de le stigmatiser aux yeux de tous, lors d’une émission « grand public », comme « fragile au plan émotionnel » ! Formé à l’école de son prestigieux parent, Frédéric Mitterrand n’est-il pas habile à inverser les rôles pour sauver la face en présentant l’échec électoral en succès ? À l’Académie, tout le monde savait que la mise sur orbite de son élection, via l’AFP, n’était pas la bien venue dans le climat électrique créé depuis l’élection d’Alain Finkielkraut.

Et, pour discréditer totalement le rite de l’élection, Frédéric Mitterrand ne s’est pas contenté de vouloir imposer aux Immortels le choix exclusif d’un candidat « fragile au plan émotionnel ». À l’ultime question de Nathalie Levy « Sauf que vous n’êtes pas seul dans la course en face de lui, il y en a d’autres, non ? », il a répondu d’un rire méprisant « Non, pas si importants, je ne veux pas les insulter, ils se présentent depuis dix ans ! » en prétendant que les Immortels n’auraient pas d’autre choix, que « le choix de Mitterrand » était le seul possible du fait de son retrait ! Comment mieux ridiculiser l’Institution ?

Hérésie  ?

Andreï Makine
Andreï Makine

Néanmoins, l’anticipation de l’élection d’Andreï Makine par Frédéric Mitterrand aura eu l’insigne mérite de poser la question du critère devant présider à l’élection de l’Académie : le « choix de Mitterrand » ou « le choix de Richelieu » prévu dans les statuts ? Le Secrétaire perpétuel de l’Académie, Madame Hélène Carrère d’Encausse, a hautement proclamé qu’elle voudrait connaître « les dons et les goûts » des candidats. Et les Français également comme l’ont montré leur passion à s’opposer à la « réforme de l’orthographe » et la terrible philippique de Frank Ferrant (1). À ce sujet, des académiciens s’étonnent de la « faiblesse linguistique » d’Andreï Makine qui prétend qu’il y aurait « autant de langue que de grands écrivain », contre-sens monstrueux pour un candidat confondant la pluralité des styles avec l’unicité de la langue ! « Est-ce prudent d’élire une telle hérésie ? » s’est même exclamé l’un d’entre eux ?

C’est ainsi qu’en prétendant anticiper l’élection politicienne d’Andreï Makine à BFMTV au lieu d’attendre le verdict académique du quai Conti, Frédéric Mitterrand a placé l’Académie devant un dilemme : le « choix de Mitterrand » (d’un candidat « fragile affectivement » préfabriqué par l’AFP et ignorant le b, a, ba de la linguistique) ou le « Choix de Richelieu » que le fondateur de l’Académie voulait basé sur le seul talent du mieux placé pour défendre vraiment la langue française. Serait-ce trop demander à l’Académie de devoir respecter ses statuts le 3 mars prochain pour sauver la langue française en péril de mort ?

 

Arnaud-Aaron Upinsky

 

 

 


[1] Figarovox, 9 février 2015

Source : la-croix.com